Un atelier philo avec les enfants, c'est quoi ?
C’est un temps qu’on prend avec les enfants pour échanger, se poser des questions sur des sujets du quotidien. Ça peut aller du bonheur à la peur, en passant par la moquerie et l’argent. Dans ces ateliers, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, les enfants sont libres de dire ce qu’ils pensent, à partir du moment où, pour eux, ça a un lien avec le sujet.
A quoi ça sert de mener des ateliers philo avec les enfants ?
Ça sert à apprendre à échanger avec les autres sans préjugé en respectant leur discours, à développer l'esprit critique et à se forger leur propre opinion. Globalement, soit on s’en sert comme outil de réflexion, de savoir, soit on l’utilise pour développer le mieux vivre ensemble, l’ouverture au monde, ou les deux en même temps.
Généralement, pour faciliter la compréhension et la prise de parole, on part d’un support (livre, musique, photos, art, vidéo, etc…). Le support sert aussi à ce que l’enfant mette de côté l’affect et parle de lui à travers l’imaginaire. C’est important que l’enfant n’exprime pas ses propres expériences car le but ici n’est pas de faire de la psychologie et parler de ses problèmes, mais de s’interroger sur nos opinions et celles des autres.
J’utilise aussi une peluche, que j’ai appelée Platon et qui m’accompagne pour chaque atelier philo. Je leur explique qui il est (il aime beaucoup se poser des questions qui n’ont pas de bonne ou mauvaise réponse, il aime parler de tout, et il est très très vieux !).
Comment se déroule une séance ?
Tout le monde est assis, en rond, l’animateur est parmi les enfants, pour que tout le monde puisse se voir.
Il y a plusieurs façons de mener un atelier philo, mais globalement il y a 5 temps clés :
- Un temps de relaxation ou pratique de l’attention, avec un support auditif, comme « Calme et attentif comme une grenouille ». L'idéal est qu'il dure entre 3 et 5 min, surtout si les enfants n'ont pas l'habitude de la relaxation.
- Un temps où on explique le but d’un atelier philo et où on créé avec les enfants la Charte des philosophes (règles à respecter). On écrit 2 points qui doivent être respectés, et ils décident de 2 autres points. Tout le monde signe (même Platon !) afin d'acter son engagement à respecter ce qui est noté. Sur ce temps, il est important que les enfants se sentent investis dans l'instauration des règles à respecter pour que l'atelier se passe bien. Plus ils se sentiront investis, plus ils vont les respecter.
- Un temps de présentation du support inducteur, où les enfants observent, écoutent sans juger. C'est le moment où en tant qu'animateur d'atelier on lit l'histoire, on montre les illustrations, l'oeuvre choisie, sans faire de commentaire.
- Un temps d’échange sur le support puis sur les questions. On demande aux enfants ce qu'ils ont compris du support, puis ont leur pose quelques questions afin d'amener un début de réflexion sur le sujet voulu. Ensuite, on passe au moment clé de l'atelier philo, à savoir les échanges sur le sujet de la séance. On aura préalablement noté des questions pour relancé le débat, ainsi que des mots clés, des informations qu'on peut dire pour approfondir le sujet.
- Un temps de débriefing avec eux, sur ce qu’ils ont pensé de l’atelier, ce qu’ils on aimé ou non.
On peut même, à la fin, demander aux enfants de faire un dessin ou quelques lignes sur ce qu'ils ont retenu de l'atelier philo, sur leurs ressentis, et pourquoi pas créer un "journal du petit philosophe" qu'ils rempliront au fur et à mesure des séances.
Le temps d'échange
Le temps d'échange sur le sujet choisit se prépare en amont.
Une fois qu'on a notre sujet, il faut choisir une question philosophique, c'est à dire une question universelle, elle concerne tout le monde ; elle est centrale, elle parle du sens de la vie en général ; elle est contestable, pas vérifiable scientifiquement, il n’y a pas une seule explication possible. Pas de loi, pas d’histoire, pas de réponse scientifique. Par exemple, si le sujet est le bonheur, on peut poser comme question "Le bonheur est-il dans la consommation de biens ?" ou encore "Pouvons-nous heureux sans argent ?".
Soit nous choisissons la question, soit, en fonction de l’âge et de l’habitude des enfants, on peut les faire eux-mêmes choisir, en fonction du support, du sujet.
On ne fait pas de psychologie, ou même de discours moralisateur, donc il faut essayer de ne pas tomber dans des questions ou thèmes justement psychologiques ou d’éducation à la citoyenneté (le handicap ou la différence peuvent devenir l’identité ou la culture par exemple ; « qu’est ce qui te fait peur ? » peut devenir « quelles sont les peurs qui peuvent exister ? »).
Pour commencer l'échange, on pose la question, puis on interroge les enfants qui souhaitent s'exprimer, un par un. Il est préférable de dire aux participants de regarder tout le monde lorsqu'ils prennent la parole, plutôt que de regarder l'animateur seulement, car il s'adresse à tous ceux qui sont là. Ils peuvent s'exprimer librement, à partir du moment que ce qui est dit ait un lien avec ce qui a été dit.
L’animateur ne donne pas son avis sur la question, il incite les enfants à se questionner en faisant des relances (Ah bon ? ; Martin vient de dire ceci, qu’en pensez-vous ? ; Est-ce que vous êtes tous d’accord avec ce qui vient d’être dit ? ; Et si on imaginait l’inverse de ce que tu viens de dire ? ; … ) ou des reformulations (répéter, synthétiser).
Pourquoi insérer une pratique de l'attention/relaxation dans un atelier philo avec les enfants ?
Pour être plus concentré sur ce qu’il se passe et favoriser l’attention, être moins dispersé dans ses pensées. Cela permet d'instaurer un calme mental favorisant la réflexion.
Différentes façons de mener un atelier philo avec les enfants
- Si on veut faire de la philo pure : on intervient souvent, on pose des questions, on donne des concepts
- Si on veut que l’enfant se sente lui-même : on n’intervient pas
- Pour s’assurer que les enfants interagissent : on donne des rôles, on intervient peu
On peut également faire un mélange des trois.
Quelques informations pratiques
Si un enfant refuse de participer/respecter les règles : il a peut-être peur de ce qu’il ne connaît pas, peur de parler, de s’exprimer. On peut lui proposer de ne pas participer mais rester près de nous, pour le rassurer ; qu’il soit maître du temps pour lui donner une mission, une motivation ; prévoir une activité de secours (coloriages, mandalas, dessin, puzzle) près de nous pour qu’il puisse entendre et revenir quand il le souhaite.
Si un enfant exprime une souffrance : ne pas le questionner sur ce qu’il ressent, mais s’adresser à son intellect, chercher à savoir ce qu’il veut dire et l’aider à dire. On peut faire ça avec la reformulation (« Ce que tu veux dire, c’est que… »).
Si un enfant dérange le groupe : il exprime quelque chose, ça n’est pas pour nous embêter. Il ne faut pas l’ignorer, montrer qu’on l’a vu/entendu sans le juger. Il ne s’agit pas d’accepter ce qui est dit, mais d’accepter la personne. Nommer la transgression et s’interroger sur son sens (« Tu as tapé, c’est interdit parce que c’est dangereux. Mais pourquoi tu as fait ça ? »).
Quelques supports inducteurs de pensées
Livres :
- Phileas et Autobulle
- Philocomix
- Sur le harcèlement : Chien bleu ; La grande inconnue
- Les 3 brigands
- Yakouba
- Jean de la Lune
- L’anneau de Gygès
- Coco Panache
Vidéos :
- Black hole
- Black mirror
- Minuscules
Pour aller plus loin
- Méditer et philosopher avec les enfants _ Frédéric Lenoir
- Pourquoi et comment philosopher avec des enfants ? _ Christian Budex, Edwige Chirouter, François Galichet, etc…
- 1, 2, 3… Pensez ! Philosophons les enfants ! _ Johanna Hawken
- Ils vécurent philosophes et firent beaucoup d’heureux _ Marianne Chailan
- La communication sans violence _ Marie-Jeanne Trouchaud
N'hésitez pas également à vous renseigner sur la formation que propose SEVE, c'est la formation que j'ai faite et je l'ai trouvée très bien faite et complète.
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