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Au coeur des émotions de l'enfant, Isabelle Filliozat - Partie 1 : 7 questions à se poser

7 questions à se poser lorsqu'on est devant un enfant, selon Isabelle Filliozat.

Ma lecture

Les enfants, comme les adultes, ressentent des émotions. La différence est que les adultes ont généralement les outils pour gérer ces émotions qui surviennent en eux, alors que les enfants ne les ont pas et sont face à leurs ressentis sans savoir comment réagir. C'est ce qui crée des réactions souvent qualifiées comme excessives ou comme des caprices.

 

Afin d'aider l'enfant à comprendre et à nommer ses émotions, il est nécessaire d'être présent pour lui, de l'écouter dès le plus jeune âge. Ne pas recevoir d'accompagnement lors de ces crises peut avoir des répercussions sur le long terme, c'est pour ça qu'il est important d'accompagner l'enfant, non seulement par les mots, mais surtout par les gestes et le comportement.

 

Il n'existe pas de réponse universelle, de protocole à suivre pour aider les enfants à mieux comprendre leurs émotions, car chacun est différent, il existe une multitude de facteurs influant sur le vécu de l'enfant face à ses émotions. Mais se poser certaines questions peut aider les adultes à orienter leurs réponses, leur accompagnement.

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7 questions à se poser face à un enfant, selon Isabelle Filliozat

Quel est son vécu ?

Comme évoqué plus haut, l'enfant n'a pas les outils pour faire face au flot de pensées qui peuvent le submerger, sa réponse émotionnelle est immédiate sans possibilité de prise de recul. Il interprète les situations à sa manière, avec ses outils et son raisonnement propre.

 

Isabelle Filliozat donne plusieurs exemples, dont un qui peut être fréquemment rencontré : "Arnaud est agressif, il fait de grosses colères "pour des riens". Ses parents se sont séparés. Dans sa tête, il s'est dit : "Papa est parti = il ne m'aime pas parce que je suis un méchant enfant." "

 

Lorsqu'un enfant réagit de façon spontanée, il peut faire ressortir de la colère, de la tristesse, de la frustration, ou toute autre émotion que l'adulte peut interpréter de milles manières. Avant de juger ses réaction, il est plus judicieux de chercher à savoir ce que vit l'enfant, ce qu'il ressent au fond de lui et quel est son vécu à ce moment même.

Lui demander "pourquoi tu pleurs ?"  ne mènera pas à une vraie réponse, il cherchera une excuse qui ne sera pas forcément la réalité, parce que souvent, il n'en sait rien. Il faut utiliser un autre chemin, comme "qu'est-ce qui se passe ?", "qu'est-ce que tu ressens ?", "qu'est-ce qui te rends triste ?", "de quoi tu as peur ?", qui permettront à l'enfant de faire une rapide introspection de ses ressentis.

 

Comment faire pour l'écouter et l'aider ? Respecter ses émotions, le laisser les exprimer, peu importe la forme qu'elles prennent. Il a besoin de faire sortir sa souffrance, la tension qu'il ressent. Essayer de le calmer ne fera que le freiner dans l'expression de ses émotions. Une fois que l'explosion sera terminée, il reviendra progressivement au calme.

Que dit-il ?

Derrière des crises, des "caprices", des comportements jugés comme inappropriés, se cache souvent un message, un besoin, et il est important de chercher à le comprendre.

Selon Isabelle Filliozat, "Il n'existe pas de caprice. Il s'agit d'un langage, il y a un message à décoder." Il en va de même pour des comportements extrêmes, pour certaines maladies répétitives (otites, eczéma, allergies, énurésies, agressivité, ...). Tout cela est pour lui un moyen d'exprimer ce qu'il ne parvient pas à dire avec des mots, car il ne sait pas comment faire, comment formuler son vécu.

 

Bien entendu, il ne faut pas être à l'affut d'un message derrière tout comportement étonnant. Le problème est présent notamment quand le comportement se répète ou quand les symptômes perdurent malgré les traitements.

Et ça n'est pas grave si on ne parvient pas à comprendre un message; l'enfant continuera à envoyer des messages jusqu'à ce que le problème soit résolu.

Quel message ai-je envie de lui transmettre ?

Lorsqu'on répond à un enfant, il faut rester vigilant au message qu'on peut lui transmettre, même inconsciemment. Isabelle Filliozat donne l'exemple d'un enfant qui dessine un terrain de foot sur la moquette de sa chambre. On peut lui donner plusieurs réponses, comme "Tu es créatif, tu as des idées originales, il serait plus intéressant pour toi de trouver un matériau adéquat pour leur donner libre cours." ou encore "Tu es fou ! Tu n'as aucune conscience ! Ce que tu fais est sale !". Dans le premier cas, l'enfant va gagner en confiance et va persévérer dans sa créativité. Dans le deuxième, l'enfant va intégrer le fait qu'il est inconscient et continuera à l'être et voudra inconsciemment se venger en faisant d'autres "bêtises".

 

On a donc le choix entre transmettre un message d'amour à l'enfant, qui le consolidera, ou bien un message destructeur qui le brisera.

Pourquoi dis-je cela ?

Parfois, les enfants peuvent nous faire des demandes qui nous étonnent car nous sommes "réglés" selon la société dans laquelle on évolue. Nous avons l'habitude de faire ceci et de ne pas faire cela, donc si l'enfant nous demande nous répondrons par rapport à ce que nous connaissons.

 

Naturellement, si un enfant nous demande s'il peut manger le dessert avant le plat, nous répondons non, le dessert se mange en dernier. Mais en soit, qu'est-ce que cela peut changer ? Dans l'estomac, tout est mélangé, il ne fait pas de différence, il n'y a pas de danger pour sa santé, ce n'est qu'une convenance sociale. On peut l'accepter, du moment que ça ne porte pas atteinte à sa santé. On peut lui expliquer qu'il est plus convenable de manger le dessert après, mais ce serait mentir que de lui dire que c'est mauvais pour sa santé.

 

Lorsqu'on dit "oui" ou "non" à un enfant, il faut se demander pourquoi on le fait. Est-ce pour le protéger ? Est-ce pour entrer dans les rangs de la société ? Est-ce pour entrer dans un jeux de pouvoir avec lui et contrôler ses faits et gestes ? Ou est-ce pour lui permettre de vivre des expériences qui lui apprennent la vie, qui comblent sa curiosité naturelle ?

Mes besoins sont-ils en compétition avec ceux de mes enfants ?

Les besoins des adultes et des enfants sont à l'opposé : les adultes aiment généralement l'ordre, le calme, prendre le temps le matin, que règles soient respectées, alors que la plupart des enfants aiment le désordre, le bruit, désobéir, jouer à toute heure, etc... Alors forcément, cela peut créer un conflit d'intérêt. En tant qu'adulte, il est important de prendre conscience de ce décalage et de mettre si nécessaire nos besoins de côté un moment afin de répondre au mieux à ceux des enfants. On peut aussi tenter de satisfaire les besoins de chacun en coopérant, en faisant des efforts de chaque côté. Pour cela, il est essentiel d'être honnête envers soi-même et envers l'enfant sur nos besoins.

 

Par exemple : " "JE désire manger en paix, comment peux-tu faire pour protéger mon temps de dîner ?" sera plus efficace que "Tais-toi, tu es vraiment insupportable." "

Qu'est-ce qui est le plus précieux pour moi ?

C'est une question qu'il faut se poser avant d'intervenir auprès d'un enfant.

Est-ce que ce qui est le plus précieux pour moi est le bien-être des enfants ou est-ce le regard des autres adultes autour de moi ? Selon la réponse, nous n'agirons pas de la même manière.

Par exemple, si un enfant a besoin de réconfort et que pour moi ce qui est plus important c'est son bien-être, je vais me permettre de le prendre dans mes bras, peu importe ce que pourront dire les adultes autour. Alors que si pour moi le plus important est le regard des autres, je ne vais pas forcément oser prendre l'enfant dans mes bras par peur que les autres adultes n'apprécient pas.

 

Nos réponses sont bien souvent inconscientes, mais l'enfant intègre le message qui est derrière. Si j'humilie un enfant devant tout le monde parce qu'il a fait tomber un jeu et l'a abîmé, je renvois le message que le jeu est plus important que lui, et il va le croire et l'intégrer.

 

Lorsqu'on ne sait pas comment agir, qu'on se sent débordés et qu'on a peur d'agir vis-à-vis du regard des autres, prenons un moment pour nous demander ce qui est plus important pour nous à ce moment là.

Quel est mon objectif ?

Souvent, on se demande si autoriser ceci ou cela est bien ou mal. Mais il n'y a pas de bonne ou mauvaise réponse, en réalité ce qui est le plus important c'est l'objectif qu'on vise.

 

Est-ce qu'autoriser à cet enfant d'enlever sa veste alors qu'il ne fait pas chaud dehors rapproche ou éloigne de mon objectif ?

Un objectif peut être conscient ou inconscient. Il peut être conscient mais on agit à l'encontre sans même s'en apercevoir. Par exemple mon objectif est de permettre aux enfant d'acquérir de l'autonomie, mais je suis toujours là à vérifier et guider tous leurs faits et gestes.

 

En tant que professionnels auprès des enfants, nous avons généralement des objectifs pédagogiques. Nous pouvons nous y référer lorsqu'on ne sait pas quelle réponse donner. Si un des objectifs est de permettre la découverte de la nature par des expériences en immersion, je n'agirai pas de la même manière que si l'objectif est l'observation de la nature au travers divers supports concrets.


Mon avis

 

Vous l'aurez peut-être remarqué, Isabelle Filliozat s'adresse particulièrement aux parents dans ce livre. Mais ces questions, nous pouvons également nous les poser en tant que professionnel de l'enfance, au quotidien avec eux.

 

J'ai personnellement essayé d'appliquer ces conseils au travail, et ils ont plus d'une fois été fructueux. Par exemple, une fois, lors de la sieste, un enfant était agité et bougeait dans tous les sens. Au lieu de le réprimander, je lui ai posé la question "Qu'est-ce que tu ressens au fond de toi ?" et il m'a répondu qu'il avait peur, qu'il voulait sa maman. Je n'ai pas cherché à le rassurer ou à lui sortir une "phrase d'adulte", je l'ai simplement écouté. Et peu après, il s'est endormi, et il a dormi toute la sieste !

 

Tout cela peut paraître beaucoup et peut faire peur, mais il ne faut surtout pas culpabiliser si on ne fait pas tout comme il faut. Nous sommes humains et c'est normal de faire des erreurs. Mais c'est essentiel d'être honnête avec les enfants, même si on se trompe. Ca n'est pas dramatique de devoir revenir sur ses dires, de s'excuser à un enfant de notre comportement, de montrer notre vulnérabilité, et je dirais même que c'est le plus important. C'est en voyant que nous non plus ne sommes pas parfaits, qu'ils oseront faire des erreurs et rebondir derrière.

C'est en essayant qu'on y arrive, et comme dit un proverbe que j'aime beaucoup, "il n'y a que ceux qui ne font qui ne se trompent jamais."

 

Alors prenez votre temps, testez, essayez d'appliquer certains conseils, d'utiliser certains outils, et appropriez-les vous, adaptez-les à votre pratique, à votre expérience. L'apprentissage est un jeu permanent dans lequel il faut savoir s'amuser.

Qu'en pensez-vous ? Avez-vous déjà mis en application certains de ces conseils ? Quels ont été vos résultats ?

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